dimanche 12 février 2023

A PROPOS D’HISTAMINE

 

L'Histamine dans le Vin : Comprendre et Agir

Suite à une récente interrogation, il apparaît pertinent de partager quelques informations essentielles concernant l'histamine, une amine biogène présente dans de nombreux aliments et boissons fermentés, et notamment dans nos chers vins.

Ces amines biogènes, dont l'histamine est un représentant bien connu, sont des composés naturellement présents dans les produits issus de la fermentation par des bactéries lactiques. Ainsi, on les retrouve dans une variété d'aliments tels que les fromages, les saucissons, les cidres, les bières, et bien sûr, le vin.

L'histamine est souvent pointée du doigt pour son implication dans certaines réactions allergiques et l'apparition de maux de tête chez les personnes sensibles. De ce fait, son contrôle analytique est devenu une préoccupation majeure dans plusieurs pays. À titre d'exemple, aux Pays-Bas, des lots de vins dépassant un seuil de 4 mg/l d'histamine ont été refusés à l'importation. La Suisse, quant à elle, a établi un seuil maximal de 10 mg/l, bien que les critères d'hygiène précis qui sous-tendent cette limite restent à définir.

D'où provient l'histamine dans le vin ?

L'histamine est le résultat de la décarboxylation d'un acide aminé, l'histidine. Ce processus de transformation est principalement l'œuvre de certaines bactéries lactiques dotées de l'enzyme histidine décarboxylase. Il est intéressant de noter que d'autres amines biogènes, telles que la cadavérine (issue de la lysine) et la putrescine (issue de l'ornithine), peuvent également être présentes dans le vin et faire l'objet de réglementations spécifiques. La tyramine et la phényl-éthylamine sont d'autres exemples d'amines biogènes que l'on peut retrouver dans le vin et dont les niveaux peuvent être surveillés.

Il est crucial de souligner qu'il n'existe pas de corrélation directe entre la teneur en alcool d'un vin et son niveau d'histamine. Généralement présente à des concentrations de quelques milligrammes par litre, l'histamine peut parfois dépasser le seuil de 10 mg/l considéré comme limite dans certains pays.

Les facteurs clés de la formation d'histamine

Les conditions favorisant une production importante d'histamine sont bien identifiées. Les principaux responsables sont les bactéries, et plus particulièrement certaines bactéries lactiques riches en histidine décarboxylase. Certaines souches de bactéries malo-lactiques, comme Pediococcus oeni et Oenococcus oeni (anciennement Leuconostoc oenos), naturellement présentes dans les moûts et les vins, peuvent entraîner une augmentation significative des concentrations d'histamine.

La formation d'histamine se produit principalement durant la fermentation malolactique. Les niveaux tendent à être plus élevés lorsque le milieu devient moins favorable à la croissance bactérienne, notamment en cas de raréfaction des nutriments autres que l'histidine. Ainsi, une fermentation malolactique tardive, signalant un environnement peu propice au développement des bactéries lactiques, peut paradoxalement conduire à une production accrue d'histamine. Il est même établi que les cellules bactériennes mortes conservent un certain temps leur capacité à synthétiser de l'histamine grâce à leur enzyme de décarboxylation. Heureusement, toutes les souches de bactéries lactiques (notamment de type Oenococcus oeni) ne possèdent pas cette histidine décarboxylase.

Aujourd'hui, la sélection de bactéries lactiques Oenococcus oeni dépourvues de cette enzyme est possible, d'où l'intérêt d'un ensemencement avec des souches sélectionnées pour une meilleure maîtrise des teneurs en histamine.

Conseils et actions proposées

Action à court terme :

  • Dans le cas spécifique de notre client, nous recommandons de procéder à une nouvelle analyse d'histamine de son vin. Étant donné que le résultat se situe à la limite légale suisse (10 mg/l) et compte tenu des marges d'erreur inhérentes à ce type d'analyse, une contre-expertise par un autre laboratoire pourrait potentiellement révéler un résultat plus favorable. Cependant, cette démarche n'offre aucune garantie.
  • Une autre option envisageable serait de proposer un autre vin dont le taux d'histamine aurait été préalablement vérifié.
  • Si le vin n'est pas encore mis en bouteille, un traitement visant à réduire le taux d'histamine peut être envisagé. L'utilisation de bentonite, connue pour ses propriétés d'absorption de l'histamine, pourrait être étudiée. Il conviendra cependant de déterminer la dose optimale afin de ne pas altérer les qualités organoleptiques du vin, ce qui nécessitera des essais préalables.

Action à long terme :

  • Mettre en place des pratiques permettant une meilleure maîtrise des fermentations malolactiques.
  • Étudier la possibilité d'un ensemencement précoce avec des bactéries malolactiques sélectionnées, dans le but de contrôler les teneurs en amines biogènes, et en particulier en histamine.

Patrice DRUCBERT Œnologue

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