Conserver le fruit pendant l’élevage en maîtrisant le contact avec
l’oxygène
Les vins blancs, rosés et rouges à expression rapide ont besoin d’oxygène pendant la fermentation
alcoolique,
parfois en début d’élevage pour contrer les aspects réducteurs liés aux lies.
Ensuite, en
cours
d’élevage et de préparation à la mise en bouteille, il faut limiter le contact
avec l’oxygène, qui
provoque
l’évolution du vin et la diminution des arômes fermentaires et fruités. Or, ces
vins sont
souvent
mis en bouteille tôt, pour conserver la fraîcheur du fruit. Du coup, on les
travaille au plus
froid
de l’hiver. Et c’est là que ça se complique… Maîtriser le contact du vin avec
l’oxygène est donc
indispensable
pour conserver le fruit des vins.
Ce
qu’il faut savoir : oxygène et froid. Chacun sait qu’un vin froid est plus
difficile à dégazer par
exemple.
C’est une loi physique : les gaz sont plus solubles dans un vin froid. En
chiffres : à 20°C, un
vin
saturé en oxygène contient 8,4 mg/l d’oxygène dissous. A 0°C, il en contient 12
mg/l soit 30% de
plus.
L’oxygène dissous dans le vin est ensuite consommé par des réactions
d’oxydations (réaction de
l’oxygène
avec le SO2 libre, avec les polyphénols…). Mais à froid, elles sont plus
lentes.
Aérer
à froid : la bombe à retardement. Un vin aéré à froid dissout de grandes
quantités d’oxygène,
qui
restent dans le vin et agissent plusieurs semaines après, quand le vin se
réchauffe. A ce moment,
on
assiste à une baisse du SO2 libre puis une oxydation rapide et importante du
vin.
Gérer
la réduction… avant les froids ! Exposer
le vin au froid hivernal est positif pour sa clarification
et
sa stabilisation tartrique. Par contre, avoir à ôter la réduction sur un vin
froid (<10°C) est un
cauchemar
oenologique. Les soutirages à l’air que l’on fera alors sont moins efficaces
vis à vis des
composés
soufrés que l’on a du mal à éliminer à froid, en revanche, les quantités
d’oxygène
ingurgitées
par le vin sont très importantes. Il faut donc faire de la prévention… quelques
éléments :
un
bon débourbage pour les blancs et rosés, à soigner d’autant plus que la
vendange n’est pas tout à
fait
assez mûre. Pas trop de SO2 sur la vendange (au pressoir ou à l’encuvage des
rouges) : si la
vendange
est saine, pas trop chaude et d’une acidité habituelle en Val de Loire,
dépasser 3 g/hl est
inutile.
Soutirer absolument les vins rouges avant malo. Et ne pas laisser blancs et
rosés sur grosses
lies
de fermentation si la vendange était un peu herbacée, ou si les premières
odeurs de réduction
apparaissent.
Les sulfitages massifs de sortie malo favorisent la réduction. Privilégier un
sulfitage
fractionné.
Pour
la gestion préventive de la réduction, le cliqueur est un outil intéressant. Il
permet de fractionner des doses d’oxygène en fin de fermentation alcoolique sur
des vins qui le nécessitent.
Soutirages
et filtration à froid : réchauffer ou désoxygéner. En cours d’élevage, il
faudrait pouvoir
attendre
une remontée des températures des vins à 10-12°C minimum pour positionner les
soutirages
et les filtrations. Quand on fait des mises précoces, que le chai n’est pas
isolé, et qu’en
plus
on dépend du planning d’un prestataire pour les filtrations, ça devient un vrai
casse-tête. Ce qui
peut
être fait dans ce cas-là, c’est de monter les vins en température quelques
jours avant (ou un
inertage
le plus complet possible du transfert cuve de réception saturée au CO2,
inertage de la cuve
de
départ en cours de pompage, pompage sous azote)
Suivi de l'oxygène dissous
Si
une filtration a été faite sans précautions sur un vin froid (les températures
basses diminuent la
filtrabilité
et augmentent le colmatage) une solution « curative » existe encore… A la
sortie de la
filtration,
on fait une mesure d’oxygène dissous. En dessous de 1,5 mg/l, l’impact n’est
encore pas
catastrophique.
Mais
après une filtration à froid, on peut atteindre beaucoup plus ! (Exemple : un
Chardonnay 2014
analysé
à 6,5 mg/l d’oxygène dissous… soit de quoi consommer 30 mg/l de SO2 libre !)
Augmenter
les doses de SO2 en tenant compte de la dose d’oxygène n’est certes pas la
bonne
solution
!
Chiffres à retenir :
Saturation
en oxygène d’un vin : 8 mg/l à 20°C
Cliquage
: apport de 2 mg/l
1
mg/l d’O2 dissous consomme entre 3 et 5 mg/l de SO2 libre.
Conclusion
L'œnologie
moderne consiste à utiliser au mieux les gaz. Azote, oxygène, CO2 trouvent leur
place
dans
l'élaboration d'un vin élégant, aromatique et délicat. L’art de bien manier le sulfitage contribue
à révéler le fruit, alors qu’une gestion trop systématique peut
contribuer à standardiser le vin.
Et bien
manier
le sulfitage passe aussi par maîtriser le contact du vin avec l’air. Il ne
s'agit pas de faire des
vins
à défauts mais le consommateur doit croquer le raisin quand il déguste un vin. Le temps des vins réduits, des infusions de SO2 est révolu.
NB : Pour le dosage
de l’O2 dissous, contacter votre laboratoire d’analyses œnologiques
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