dimanche 14 février 2021

Une multitude de paramètres et de techniques permettent de piloter l'astringence, la couleur et le niveau aromatique des vins

 



Explications et application à la segmentation "Fruitée et léger/Corsée et structurée".

La qualité des vins rouges repose sur un équilibre alliant notamment des notes aromatiques variées à une perception en bouche complexe. Dans ce contexte, les composés aromatiques et polyphénoliques sont de première importance pour le vinificateur. La qualité de la vendange sera déterminante au travers de ses potentiels aromatique et polyphénolique. Les procédés de vinification devront donc être raisonnés en vue d'une expression de ce potentiel adaptée au type de vin souhaité. Cette démarche d'œnologie intégrée et raisonnée prend toute sa valeur dans le cadre de la segmentation du marché des vins en Sélection « Fruitée » et « Corsée ». Cette segmentation repose sur des critères analytiques précis. Les vins fruités doivent présenter, entre autres, une Intensité Colorante (IC) inférieure à 5 et un Indice de Polyphénols Totaux (IPT) inférieur à 40. Au contraire, les vins corsés doivent respecter un minimum de 5 et de 40 pour l'IC et pour l'IPT, respectivement. Cet article fait le point sur les facteurs et techniques permettant le passage des composés polyphénoliques et aromatiques depuis le raisin jusqu'au vin. Dans un deuxième temps, divers facteurs influant sur la perception tannique et aromatique des vins seront discutés en vue de leur utilisation éventuelle pour l'obtention de vins fruités et corsés.

Facteurs d'extraction

Tout l'art de la vinification consiste à extraire ces composés, sans effet négatif sur le déroulement de la fermentation alcoolique. La réussite d'un objectif de produit souple et fruité ou plus structuré, passe par la maîtrise de l'extraction des anthocyanes et des tanins de la pellicule, mais aussi des composés d'arômes et de la production d'arômes fermentaires par les levures. Ces deux niveaux doivent être maîtrisés et dépendent de facteurs différents.

L'extraction de la couleur et des tanins


Cette extraction est toujours incomplète et très variable. Le vin ne contient généralement que 20 à 50 % des composés phénoliques présents initialement dans le raisin. L'objectif n'est pas une extraction maximale mais une extraction optimale des composés les plus qualitatifs.

Pour un objectif de vin souple et fruité il est nécessaire d'extraire rapidement les anthocyanes tout en limitant la diffusion des tanins. Les facteurs régissant l'extraction sont multiples et n'agissent pas de la même manière sur chacun des composés extraits.

Le premier paramètre est la nature de la matière première : cépage, niveau de maturité de la vendange et état sanitaire qui conditionnent la richesse en polyphénols mais aussi leur extractibilité. Les facteurs conditionnant cette extractibilité des composés de la pellicule sont malconnus. Les poly-saccharides de la paroi qui s'opposent à la diffusion et leur hydrolyse partielle au cours de la maturation sont probablement responsables de ces différences d'extractibilité que l'on peut observer entre deux matières premières contenant le même potentiel phénolique.

Le deuxième paramètre est l'alcool qui est le principal facteur d'extraction des tanins. Au contraire des anthocyanes, qui diffusent facilement en milieu aqueux, les tanins nécessitent la présence d'alcool pour s'extraire. Il existe cependant des différences entre pellicules et pépins. Les tanins de pépin diffusent plus difficilement du fait de la présence de la cuticule. En fonction de la présence d'alcool, on distingue trois phases dans la macération :


La macération préfermentaire (de quelques heures à quelques jours) se déroule en l'absence d'alcool.

La fermentation alcoolique se distingue par une concentration croissante en alcool et par d'importantes activités enzymatiques levuriennes. Elle dure généralement de trois à dix jours selon la fermentescibilité des moûts et la souche de levure impliquée.

La macération post-fermentaire se déroule entre 10 et 16 degrés d'alcool selon les cas. D'une durée comprise généralement entre huit jours et un mois, certains vignerons la prolongent plus de deux mois.

Puisque l'alcool augmente avec le temps au cours le la fermentation, toutes les techniques mettant en œuvre une courte durée de macération pelliculaire en milieu éthanolique permettent d'obtenir des vins moins tanniques.

La température est aussi un paramètre essentiel. La plage de températures la plus couramment utilisée en macération est 28 à 30 °C. On peut réaliser une macération finale à chaud, entre 30 et 35 °C, puisque l'extraction est optimale à ces températures. Mais ces niveaux de températures combinés à l'alcool présent et à la raréfaction des nutriments mettent les levures et même les bactéries en difficulté, avec des risques de production d'acidité volatile et d'arrêts de fermentation. En dessous de 25 °C, l'extraction est plus lente. La flash-détente suivie d'une macération de trois jours ou plus permet aussi d'accroître l'extraction dans de grandes proportions. Elle crée cependant des contraintes car le moût sortant à 35 °C doit être impérativement refroidi pour que la fermentation se déroule dans de bonnes conditions. Un enzymage est aussi nécessaire pectines et la dégradation des pectinases du raisin rendent ces moûts très turbides.

Le renouvellement du vin en contact avec la pellicule est important pour maximiser la diffusion des composés pelliculaires. En effet, la vitesse de diffusion d'un composé dépend aussi de sa concentration dans la phase liquide. Sans agitation, le jus en contact avec les pellicules se concentre, ce qui freine la diffusion. Cette agitation peut être réalisée par pigeage, délestage, remontage à la pompe ou d'autres techniques de remontage comme par exemple le turbopigeage,ou l'utilisation de cuves à deux compartiments superposés du type Gimar, de cuves utilisant le gaz de la fermentation du type Ganimède, de cuves rotatives ou basculantes.

Enfin, d'autres techniques permettent de moduler l'extraction. On peut citer la saignée de 10 à 30 % maximum du jus à l'encuvage, le non éra-flage total ou partiel, la macération sulfitique, l'assemblage de tout ou partie du jus de presse ou la pratique du tannisage qui permettent aussi de moduler la richesse en polyphénols du vin. Si les pépins sont lignifiés, ils peuvent être conservés et sont une source supplémentaire de tanins.

Libération des composés d'arômes pelliculaires et production d'arômes fermentaires

En parallèle de l'extraction des polyphénols, il faut préserver les arômes variétaux et fermentaires.

Les conditions de cette préservation sont souvent opposées aux conditions optimales de

l'extraction.


Le niveau de maturité et les conditions climatiques durant la maturation jouent aussi sur les composés d'arômes. C'est par exemple le cas de l'exposition des raisins au soleil. La température est certainement le facteur principal déterminant le profil aromatique des vins. Au-delà de 30 °C, ce profil change avec une perte importante des arômes de fruit frais au profit de fruits mûrs,
confitures ou kirshés. En dessous de 25 °C, les arômes fruités et fermentaires sont bien préservés.

D'autres facteurs sont importants: une clarification du moût pas trop poussée et des conditions d'anaérobiose (sans oxygène) pour la synthèse des esters et la teneur en azote aminé du moût pour la synthèse des alcools supérieurs. Des techniques particulières comme la macération carboniqueou la vinification beaujolaise permettent le déroulement d'un métabolisme anaérobie au sein des baies entières placées en atmosphère carbonique. Cette pratique permet l'obtention de vins particulièrement fruités qui renforcent l'expression aromatique de certains cépages comme la syrah.

Facteurs influençant la perception tannique et aromatique du vin

Selon les critères de la segmentation, un vin de la gamme fruitée doit avoir peu de tanins. Ils doivent être fondus et l'astringence ne doit pas dominer. Un ire car l'extraction importante de vin corsé doit avoir une concentration tannique supérieure, qui doit conduire à une sensation de volume en bouche et de concentration du vin, sans pour autant marquer une astringence tro élevée. Les propriétés astringentes des tanins sont dues à leur aptitude à précipiter les protéines salivaires, entraînant ainsi une diminution de la lubrification des muqueuses buccales.

De nombreux paramètres, dont la structure des tanins, jouent sur la perception de l'astringence.

La connaissance de l'influence de la structure des tanins sur leur caractère astringent a beaucoup progressé récemment.

On pensait que l'astringence augmentait avec la taille jusqu'à une certaine valeur (dp = 7) puis diminuait lorsque la taille des tanins augmentait puisqu'il était supposé que ces polymères précipitaient. Cette hypothèse a été infirmée dernièrement par Vidal et al (2003) qui ont mis en évidence que l'astringence augmente avec le degré de polymérisation des tanins sans limite de taille. Le pourcentage de galloylation (plus élevé dans les pépins) renforce le niveau d'astringence, alors que le niveau de trihydroxylation (spécificité des pellicules) le réduit. Au cours de l'élevage, le degré de polymérisation moyen des tanins diminue sous l'effet de la rupture des chaînes de tanins par hydrolyse acide et des recombinaisons avec les anthocyanes notamment. Ces phénomènes pourraient expliquer la baisse d'astringence observée lors du vieillissement des vins. D'ailleurs, une étude récente a montré que ces tanins néoformés sont moins astringents que les tanins initialement libérés (Vidal et al 2 004). L'élevage permet une recombinaison des polyphénols du vin, sous l'effet de la température, l'oxygène et le temps qui va induire une diminution de l'astringence. Cette diminution peut aussi être liée à l'insolubilisation et la précipitation de complexes tanniques au cours du temps. L'élevage en barrique ou en foudre, ainsi que la technique de micro oxygénation permettent de jouer sur le paramètre oxygène. Mais l'astringence des tanins n'est pas uniquement déterminée par leur structure moléculaire. D'autres facteurs biochimiques et physiques interviennent. Tout d'abord des constituants du vin (polysaccharides, protéines, glycérol, acide tartrique, éthanol, composés du bois) modulent la

perception tannique. Les polysaccharides jouent par exemple un rôle en établissant des interactions avec les tanins, limitant ainsi l'association avec les protéines. La pratique d'un élevage sur lies peut ainsi augmenter la sensation de volume en bouche des vins et diminuer la dureté tannique.

L'alcool et l'acidité vont renforcer la sensation d'astringence tandis que les sucres résiduels et le glycérol vont au contraire les diminuer. Lors de macérations longues, la perception tannique augmente avec le temps jusque vers 10 à 12 jours de macération, puis, si les pellicules sont suffisamment mûres, la perception tannique diminue avec une augmentation de la souplesse des tanins. Les composés du bois jouent aussi sur l'astringence du fait de la libération d'éllagitanins du bois, mais augmentent aussi fortement la sensation de « sucrosité » du vin, ce qui atténue la perception tannique. Enfin, les paramètres de dégustation, température du vin, environnement, état psychologique, aliments... influent fortement sur la perception de l'astringence.

En conclusion


La connaissance du potentiel aromatique et phénolique de la vendange ainsi que son niveau de maturité sont essentiels. Nous avons décrit dans cet article une multitude de paramètres et de techniques permettant de piloter l'astringence, la couleur et le niveau aromatique des vins. Le choix et la combinaison de ces différents paramètres doivent permettre d'orienter la vinification vers des produits répondant aux objectifs de la segmentation. 

Mais ce choix dépend aussi d'autres paramètres comme le type de cave, le niveau des équipements, l'appellation, la législation...



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