vendredi 7 juillet 2023

Les canicules: conséquences sur les vignes

 

Les canicules: conséquences sur les vignes

La France a été touchée par une grosse vague de chaleur fin juin 2019. La canicule a pris fin dans toute une partie de la France dès dimanche 30 juin, et pour le sud-est du pays, il aura fallu attendre le 2 juillet 2019. Autre date à retenir dans les annales 1976, particulièrement marquante pour les vignobles surtout dans le Sud Est de la France

2022, l’année des records et de la durée

Ces phénomènes ont eu pour conséquences des brûlures de feuilles pouvant aller jusqu’à la défoliation complète, une brunissure et un dessèchement des baies allant de quelques baies à la grappe entière (échaudage).

Nos  observations  et celles des viticulteurs nous permettent de signaler :

1°) Un effet cépage :

Si l’ensemble des cépages ont été touchés, le Carignan a le plus souffert de la situation et la syrah a également marqué d’importants symptômes. Contrairement à 2003, le grenache a mieux résisté. Mais est-ce significatif ? Il est trop tôt pour le dire.

2°) Un effet terroir :

 Indéniablement les dégâts observés semblent plus graves dans les sols très caillouteux ou de couleur claire (sols réfléchissants) et dans les parcelles particulièrement exposées au rayonnement solaire.

Pourcentage de réverbération pour quelques surfaces (pour comprendre)

·         Surface de lac : 2 à 4 %

·         Forêt de conifères : 5 à 15%

·         Sol sombre : 5 à 15%

·         Surface de la mer : 10 à 20%

·         Sol Calcaire (clair): 40 à 45%

·         Sol clair avec pierre ou galets : 45 à 55 %

·         Eau transparente : 25 à 50%

·         Glace : 50 à 60%

·         Neige tassée : 40 à 70%

·         Neige fraîche : 75 à 90%

·         Miroir parfait : 100%

 

Influence de la couleur de surface sur le réchauffement plus ou moins rapide des sols

Lorsque l'albédo est élevé en surface (teintes claires), le réchauffement du sol est plus lent que quand la teinte est plus vive (abondance du fer) et/ou plus foncée (abondance des matières organiques)

 

L'albédo, ou albedo (sans accent), est le pouvoir réfléchissant d'une surface, c'est-à-dire le rapport de l'énergie lumineuse réfléchie à l'énergie lumineuse incidente.

 



 

Ce qui veut dire que pour une température enregistrée de 35° sur un sol claire une chaleur résiduelle transmise par réverbération permet d’atteindre sur le feuillage et les grappes des températures totales pouvant dépasse les 50°

Les rayons émis par le soleil
Ceux qui atteignent la surface de la Terre sont : les rayons visibles (la lumière), les rayons infra-rouges (ou IR), les ultra-violets (ou UV). Les IR et les UV sont invisibles. Les rayons de longueur d'ondes très courtes (les rayons x, gamma,), extrêmement dangereux sont heureusement arrêtés dès les couches supérieures de l'atmosphère.

Les rayons de longueur d'ondes très longues (ondes radio) sont très faibles à la surfaces de terre.

Nous parviennent essentiellement :

·         Les Ultraviolets (UV), de 200 nm à 400 nm, invisibles, sans échauffer, provoquent des dommages sur les cellules ;

·         la Lumière visible, de 400 à 800 nm, visibles, ils nous permettent de distinguer les formes et les couleurs ;

·         les Infrarouges (IR), de 800 à 1400 nm, invisibles, chauffent la matière solide ou gazeuse qu'ils rencontrent.

 

 

Effet du micro climat

Un microclimat est un climat  local avec des caractéristiques différentes de la région où il est situé. Le microclimat est un ensemble de modèles et de processus atmosphériques qui caractérisent un environnement ou une portée réduite. En fait, il y a un microclimat si les circonstances à petite échelle sont différentes de ce à quoi on s'attendrait en fonction du climat. Ceci est causé par la géographie, la végétation, la direction dominante du vent et parfois aussi l'intervention humaine, comme le développement urbain. Cela influence la température, le nombre d'heures de soleil et même la quantité de précipitations

 

3°) Un effet soufre prépondérant :

à première vue, la majorité des vignes ayant subi des préjudices importants ont fait l’objet d’un traitement ou plusieurs traitements contre l’oïdium avec du soufre pendant cette campagne. La rémanence des produits dit « soufre mouillable »  peut aller jusqu’à 15 jours et être actif pendant cette période et accentuer l’action du soleil.

4°) Enfin l’impact est plus marqué dans les vignes les plus faibles, les plus jeunes (plantier de 3ème feuille ou 4ème feuille), sur des rangées entières ou des bordures selon un écoulement de l’air chaud (phénomène semblable à celui du gel).

L’ÉCHAUDAGE

Le soleil peut provoquer un accident appelé échaudage, ou grillage. Il se produit sur les raisins avant la véraison, lorsque ceux-ci, après avoir été protégés de la grande lumière par un ciel plus ou moins nuageux, sont exposés brusquement à un soleil ardent, par temps calme. La partie exposée au soleil est grillée ; il se forme à l’emplacement atteint une dépression, le coup de pouce. Les grains semblent avoir été frappés par des grêlons, ils dessèchent et tombent. Cet accident est assez fréquent en région méditerranéenne et  il peut avoir des conséquences importantes. Les coups de soleil de cette fin juin 2019 en sont la preuve.

Estimant que de nombreuses filières ne sont pas préparées à un réchauffement climatique, nous  ne pouvons que conseiller de s’adapter à ces nouvelles conditions sans attendre plus longtemps. Les vagues de chaleur s'allongent et deviennent plus rudes, il faut se faire au modèle d'un climat de plus en plus imprévisible.

Notre carrière d’œnologue consultant suffisamment  longue nous permet de noter notamment:

-        d’abord les phénomènes « températures » qui se répètent et s’aggravent :                                                   1°) 1976, dans le Sud Lubéron, vu de nombreux échaudages de grappes et des brulures sévère du feuillage. De fin juin à la mi-juillet, tous les records de chaleur sont battus.

2°) 1983, Une vague de chaleur intense dure du 9 au 31 juillet : on dépasse encore les 40 °                                                                                                                        3°) L'été 2003 est le plus chaud jamais observé depuis le début de la mise en place d'un  réseau d'observation en France  (dépassant les 40 degrés le 4 août).              4°) 2006. La vague de chaleur, qui dure du 10 au 28 juillet, se situe au deuxième rang des plus sévères observées en France depuis 1950, après celle de 2003 (Météo-France). La basse vallée du Rhône est la plus affectée. La mer atteint 30 degrés à Marseille.

5°) et aussi 2019

6°) 2022 est l’année de tous les record (bien que)

 

Nous avons été témoin des conséquences désastreuses sur les vignobles surtout en zone méditerranéenne, mais le Sud-Ouest de la France a été également marqué. Dans toutes ces périodes des vignes ont ressenties des températures dépassant les 40 degrés. Ces températures élevées s’aggravent avec les effets des traitements de la vigne, de la réverbération sur les sols des vignes….

 

Conséquences des épisodes de fortes chaleurs sur la vigne

Nous savons que l’optimum thermique pour la vigne se situe entre 25 et 35°C environ, au-delà de ce seuil le risque d’échaudage physiologique devient important et au-delà de 40°C la vigne est soumise au grillage. Suite à une série de journées avec des températures supérieures à 35°C, les baies se dessèchent, ce qui nuit à une bonne maturation des baies. Ainsi, les différents auteurs qualifient les températures dangereuses pour la vigne à partir de 35°C jusqu’à 42°C (Champagnol, 1984 ; Huglin, 1986 ; Galet, 2000)

De plus des températures supérieures à 40°C vont bloquer la photosynthèse de la vigne (Motorina, 1958). Pendant la phase de maturation la « baie ayant atteint sensiblement son volume définitif subit des transformations chimiques importantes : accumulation de sucres, diminution de l’acidité » (Guillon, 1905) et est donc très sensible à ces températures extrêmes. C’est pourquoi Langellier (2003) explique que les vignes souffrent davantage d’un stress thermique que d’un stress hydrique.

 

Les pratiques culturales pour lutter contre les effets des fortes chaleurs

Le changement climatique a de multiples effets sur les vignobles : avancée des dates de vendanges de plus de trois semaines par rapport aux années 50, déficits hydriques accrus, augmentation du degré d’alcool et acidité plus faible des vins, rayonnement incident plus fort, évolution des profils aromatiques, recrudescence des attaques de champignons et d’insectes ravageurs… Pour les vignobles méditerranéens,  l’évolution du climat est problématique dans la mesure où il accentue les fortes températures estivales, les épisodes de canicule et sécheresse (stress hydrique), le manque de froid qui perturbe la phénologie de la vigne, le risque de gel tardif après une longue période de redoux qui favorise le débourrement... Les vignobles métropolitains qui présentent des caractères spécifiques (climat, sol, variétés, cépages, savoir-faire) subissent outre la forte variabilité interannuelle du climat méditerranéen, des conditions climatiques sévères qui auront tendance à s’aggraver ces prochaines décennies. Selon l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), en l’absence d’adaptation, le rendement des vignes en régions méditerranéennes notamment diminuerait de -15 à -35 %.

Pour faire face au défi climatique, l’adaptation des vignobles, des stratégies d’adaptation efficaces sont à mettre en œuvre et devront même laisser la place à des mutations profondes des pratiques agricoles d’ici la fin du siècle si les pays et les sociétés ne diminuent pas les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère de façon drastique. Avec une hausse supérieure à 1,8°C durant la période estivale à l’horizon 2055, les périodes de chaleur intense seront plus fréquentes et les événements extrêmes (précipitations, gel, inondation…) se multiplieront. Les vignobles et les cultures en général sont ainsi appelés à souffrir, ce qui aura des répercussions agricoles, environnementales et économiques avec une compétitivité accrue entre les vignobles et donc les vins. Il faut noter que si les mesures drastique sont prisent par nos sociétés mondiales nous retarderons les échéances dramatiques que d’une centaine d’année. Nous verrons plus loin pourquoi ?

Pour limiter les impacts du changement climatique sur les vignobles, des actions d’adaptation locales devront  être mises en place. Pour répondre aux besoins des viticulteurs et des professionnels du vin, il faudra définir des stratégies d’adaptation sur l’ensemble des régions viticoles françaises. L’approche doit être  multiple dans la mesure où elle devra se  pencher sur la plante, la parcelle, l’exploitation et le vignoble à l’échelle régionale ou d’une appellation. Une série de recommandations et de solutions devrait être préconisée, par exemple :

♦ raisonner la localisation des vignes en fonction du cépage et  des techniques œnologiques, mais aussi des goûts des consommateurs et de la législation vitivinicole ;

♦ sauvegarder la période de maturité du raisin entre le 10 septembre et le 10 octobre. Pour maintenir la qualité des vins, les viticulteurs devront retarder la maturité du raisin. Deux catégories de mesures semble être utiles: la modification des techniques viticoles et la modification du matériel végétal ;

♦ Pouvoir l’état hydrique de la vigne : installation de système d’irrigation au goutte à goutte, façon culturale au sol (binages fréquents pour favoriser l’utilisation de l’eau…..).

♦utiliser des techniques de conduite de la vigne adaptées au stress hydrique de la plante (conduite en gobelet qui préserve la qualité des vins par exemple) ;

 ♦ privilégier des sols ayant un fort potentiel en réserve utile pour maintenir les rendements même en cas de longs épisodes secs ;

♦ limiter l’exposition des grappes de raisin au rayonnement direct car ce dernier  augmente la teneur en composés phénoliques du raisin et modifie le profil aromatique des vins et les risques de brulures sont augmentés. Eviter les rognages intempestifs.

♦ sélectionner des cépages offrant des économies d’eau pendant la nuit. Il s’agit d’une  nouvelle stratégie de sélection pour la tolérance à la sécheresse chez la vigne : nouveaux cépages déjà à l’essai et mise en place actullement.

♦ choisir des variétés résistantes aux maladies cryptogamiques (mildiou ou l’oïdium par exemple) tout en réduisant l’utilisation des produits phytosanitaires, en particulier l’utilisation d’engrais azotés et de soufre qui augmente les risque de coup de chaud sur feuilles et raisins : nouveaux cépages

♦ définir les stratégies susceptibles de protéger et préserver les terroirs viticoles des territoires,

♦ adapter les pratiques agronomiques locales, repenser la conduite du  vignoble, maintenir et développer l’économie vitivinicole…

♦ il faudra à court terme assurer un  taux de sucre et donc un degré d’alcool élevés, tout en s’autorisant un relèvement modéré du rendement, ce dernier ayant été affecté ces dernières années par les effets combinés de la canicule et de la sécheresse.

♦ un recours modéré à l’irrigation de complément durant les périodes critiques serait techniquement justifié : rationalisation des sources d’eau → envisager des retenues d’eau par exemple

Une  relocalisation des vignes sera peut être nécessaire si l’augmentation de la température de l’air approche 4 ou 5°C dans la seconde moitié du XXIème siècle.

 

Après le coup de chaud sur certaines parcelles, QUE FAIRE AU VIGNOBLE ?

Selon l’Institut Coopératif du Vin (Service Viticole):

 

Les binages superficiels sont recommandés pour préserver l’humidité des sols, limiter l’évaporation, et éviter toute concurrence inutile de l’herbe. Attention aux jeunes vignes car les blessures sont susceptibles d’accentuer les besoins en eau.

Eviter les rognages avant toute période de forte chaleur : mieux vaut préserver le feuillage et le laisser protéger par son ombre le raisin et une partie des autres feuilles. Proscrire systématiquement les rognages sévères, et veiller à laisser au moins 50 cm d’épaisseur de feuilles sur les espaliers.

Ceux qui ont les moyens d’arroser doivent poursuivre leurs apports et si nécessaire demander conseil pour les adapter. Attention aux plantiers (1ères feuilles et vigne en formation) qui déjà en temps normal sont plus sensibles à la contrainte hydrique et qu’il faudra maintenir en bon état jusqu’en septembre.

Protection phytosanitaire : dans la plupart des vignes  la situation est assez saine, avec une très faible pression mildiou et une pression oïdium variable. Dans tous les cas éviter les traitements les jours de forte chaleur, et si possible 48 h avant : attention tout particulièrement aux produits particulièrement phytotoxiques avec la chaleur comme le soufre. Et dès que c’est possible (pas de risque mildiou, pas d’oïdium et fin de la période de sensibilité, pas de tordeuses, etc) éviter les traitements inutiles.

 

ET LES PULVERISATIONS FOLIAIRES ?

 

Des traitements foliaires à la véraison pour favoriser les précurseurs d’arômes sur blancs et rosés sont fréquemment réalisés. Cette année il est indispensable de rappeler quelques conseils de prudence mais aussi d’adapter les préconisations.

 

Ces interventions se réalisent à la véraison, et donc d’ici 2 à 3 semaines environ par rapport à la date de rédaction de cette note.

 

Il est inutile de réaliser ces applications sur des parcelles ayant subi des échaudages importants : nombreuses grappes touchées, défoliation déjà marquée,…A suivre donc en cas de progression des défoliations liées au manque d’eau.

 

De ce fait à ne réaliser que sur les vignes en bon état hydrique : pas ou très rares feuilles jaunes.

Ne pas réaliser d’application de soufre mouillable seul : les risques de phytotoxicité sont trop élevés et les gains par rapport aux stratégies azote/soufre restent à confirmer.

N’utiliser que des formulations commerciales (pas de pulvérisation d’urée seule) sachant que toutes ne présentent pas les mêmes risques liées à la chaleur. Il semble que certaines formulations associant urée et soufre mais de plus pauvres en biuret soient moins risquées (exemple : Thioleaf, Folur S,…). Les spécialités commerciales sur le marché sont nombreuses, se renseigner auprès de son fournisseur de produits local.

En cas d’annonce de nouvel épisode caniculaire au moment de l’intervention (maximales supérieures à 35°C,…), repousser celle-ci de quelques jours.

Et enfin, au-delà des pulvérisations foliaires, lors des vendanges les sélections parcellaires devront veiller à bien distinguer les parcelles ayant subi des contraintes importantes des autres.



Vigne bien protégée de la réverbération

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

BIENVENUE SUR " Faire des Vins adaptés aux Marchés"

Le Pinking : Un Phénomène qui Ternit la Beauté des Vins Blancs

  Qu'est-ce que le Pinking ? Le pinking , ou rosissement oxydatif , est un phénomène qui affecte la couleur des vins blancs, leur do...